On the road again

Publié: 28 mars 2020 dans Non classé

La dormition de Marie est tellement lointaine dans nos esprits, qu’on ne sait plus vraiment pourquoi ce 15 août 2019 est férié. Et puis ce n’est pas très rock’n’roll. En cette année de mi-centenaire de Woodstock, Hendrix, les Who, Joan Baez, Cocker, Cannet heat, lui voleraient presque la vedette. Jul et Aya passent à la téloche. Chacun son époque et aucune n’est plus belle que celle que l’on vit, raison peut-être d’être nostalgique de certaines musicalités, repères sur la frise de notre temps qui passe… Je chantais Here’s to you en yaourt alors que je n’avais pas 10 ans. A chaque époque ses luttes…

Antoine avait les cheveux longs, Johnny Hallyday aurait bien voulu lui couper, Hendrix s’en foutait. Culture, contre culture… A 16-17 ans, délaissant un peu les maquettes, je peignais dans ma chambre les réservoirs des motos des copains, pour un Suzuk’ le serpent de mer de la pochette d’Asia, avec un effet d’eau digne d’Hokusai, pour un quatre pattes (Honda 750 Four) la pochette de Powersalve d’Iron Maiden ou encore celle d’High Voltage d’ACDC sur un casque déjà intégral… Le mien était bien plus basique, réplique de celui que Peter Fonda portait dans Easy Rider, en 69.

easy rider

Apocalypse now

En 2019 il y avait plein de cinquantenaires à fêter. Avant celui de Woodstock, il y aurait eu celui du premier pas de l’homme sur la lune, celui de la mise en eau du lac du Salagou… Le passé c’est aussi un peu de notre présent et un futur possible quand on y pense. Lorsque la forêt d’Amazonie brûle, un peu avant le sommet du G7, je pense aux mots du président Chirac, repris par l’actuel. Je pense aux derniers peuples indigènes du monde, d’Amazonie ou de Sibérie. Eux sont réellement en danger d’extinction parce que « leur » maison brûle, pour de vrai ! Egoïstement, nous ne pensons qu’à « nos » poumons verts en se gavant d’huile de palme, pas au fait qu’eux soient spoliés de leurs terres, comme ce fût le cas, une poignée de siècles plus tôt, pour quelques 200 tribus amérindiennes, toujours pour les mêmes raisons, la colonisation, l’exploitation minière, forestière, bananière (pour les pygmées d’Afrique), pétrolière, pour l’eau… Les conquistadors débarquent, plantent leur croix, leur drapeau… Comme dans Avatar avec la destruction de l’arbre des Na’vi. Il ne manquerait plus que la chevauchée des valkyries de Wagner en fond sonore et on revivrait le Vietnam…

If 6 was 9.

Comme le chante Hendrix, dans la bande son d’Easy Rider, « Alright, ‘cos I got my own world to look through, And I ain’t gonna copy you ». On est qui on est, chacun trace sa propre route, est le maître de son destin, le capitaine de son âme… pour peu qu’on arrive à ne pas être influencé, profilés que nous sommes, victimes emprisonnées dans un marketing ciblé. Dupliquer, recopier. Le type de l’autoradio parle d’un gimmick, trois notes que Lady Gaga aurait copié à je ne sais qui, pour mettre dans le refrain de Shallow. Sol, La, Si. Ne m’en demandez pas plus, j’ai arrêté les études musicales au clair de la lune, à la flûte à bec, niveau sixième. Et puis, même si elle avait copié, ça n’en demeurerait pas moins une belle chanson. Mais il y a l’or, l’argent, les droits d’auteurs…

Crazy frog

16 août 2019. Je suis sur la route à nouveau, sans casque et sans chopper, dans ma vieille ZX avec un chapeau qui me fait ressembler, dit ma femme, à l’ours Paddington. Je suis parti à la pêche, pas tourner un film. J’hésitais entre embêter les carpes ou les bass et comme la dernière fois c’était carpe, aujourd’hui ce sera bass. Vers 20 heures, un poisson loupe ma gueurnaille[1] de plastoc avant qu’elle ne disparaisse dans un smack, que le fil pèse sur la canne et dans mon poignet. Ne pas décrocher, ne pas décrocher… J’écrivais hier soir le brouillon d’un papier à ce sujet, me permettant quelques conseils aux pêcheurs de carpes, leur disant que ces dames étaient bien petites joueuses comparées aux blacks. Et je ne parlais même pas de la pêche spécifique du black à la grenouille !

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C’est en pêchant…

Enfin si, bien sûr que si, je vais vous en parler… Non seulement je m’amuse comme un gosse à pêcher les blacks en surface, mais en plus ça rapporte souvent gros… Le seul hic, au demeurant riche d’enseignement, c’est qu’à la grenouille les ratés sont fréquents. Les blacks nagent très vite, souvent plus vite que ce qu’on peut récupérer comme longueur de fil au moulinet et sautent en essayant d’expulser ce maudit corps étranger de leur bouche. De fait, n’en décrocher disons qu’un sur cinq est déjà un ratio dont on peut se satisfaire. Du moins je l’accepte comme faisant parti du jeu… mais pas aujourd’hui, pas maintenant ! Lorsque le bass gobe la grenouille, il ne faut surtout pas ferrer à la touche et au début, croyez moi, c’est plus facile à écrire qu’à faire ! Et pour bien faire, il faut rater et rater encore pour commencer à comprendre et devenir forgeron. Le black, alerté par les « ploc-ploc-ploc » martelés en surface, se met souvent dans le sillage de la grenouille que vous ramenez vers vous. Si vous ferrez à la touche, 9 fois sur 10, vous lui enlevez le pain de la bouche. Il faut donc le laisser partir quelques secondes, tout en rattrapant le plus vite possible le mou, pour ferrer dans le bon sens, sinon vous avez encore une chance sur deux de décrocher. S’il part à gauche, il faut ferrer à droite et inversement.

58

20 heures, je passe donc de la théorie à la pratique. Ma canne est cintrée comme jamais, couchée, contrant quelque chose de presque trop lourd pour que ce soit un bass. Je pense à un gros brochet et à ne surtout pas décrocher. J’essaie d’abréger le combat, autant que je peux, et vois remonter un énorme black, avec ma grenouille plantée à la commissure des lèvres. Je le saisi par sa mâchoire prognathe, n’en croyant toujours pas mes yeux. A première vue, je l’estime à 60 centimètres. Si les 6 étaient des 9, les 5 pourraient être des 8… 58, cinquante huit !

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Je plie me disant que la pêche est une belle philosophie de vie ! Ne pas toujours ramener à soi, faire des pauses, ne pas ferrer trop vite, laisser partir, se dire que lorsqu’on voit un 6 l’autre voit peut-être un 9, ne pas toujours vouloir avoir raison et essayer de ne plus prendre la mouche. Sur la route du retour, dans ma vieille ZX, le monsieur de l’autoradio annonce le décès de Peter Fonda.

Yeah, sing the song, Bro’
If the sun refuse to shine,
I don’t mind, I don’t mind,
If the mountains fell in the sea,
Let it be, it ain’t me.
Alright, ‘cos I got my own world to look through,
And I ain’t gonna copy you.

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[1] Grenouille en patois picto-charentais

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